Le tri des biodéchets en France, c’est pour janvier
Symbole de ce changement, le seau qui sert à collecter les quelque 30% de matière organique contenue dans nos ordures ménagères: pelures, coquilles d’oeuf, marc de café, restes de repas, parfois donnés aux poules ou aux chiens, compostés dans le jardin mais le plus souvent jetés en pure perte dans le sac gris.
Force est d’admettre que « certaines collectivités ont encore des investissements à poursuivre », indique à l’AFP le ministère de la Transition écologique, à l’approche de la date butoir du 1er janvier 2024 fixée par la directive européenne de 2018 et la loi anti-gaspillage de 2020.
Seuls 27 millions de Français, soit 40% de la population, auront une solution courant 2024, selon le ministère. Et encore, puisque ce chiffre inclut les 10 millions de riverains qui se contenteront de pouvoir réclamer un bac composteur à domicile sur une base de volontariat.
« L’enjeu premier est de sortir les biodéchets de la décharge ou de l’incinérateur, car ils contiennent beaucoup d’eau, et les brûler n’a pas de sens », souligne Vincent Coissard, responsable de la sous-direction déchets et économie circulaire au ministère.
Mais « dire que si les personnes ne font pas le tri, elles auront 35 euros d’amende, c’est totalement faux », insiste-t-il.
« De la volonté »
Certaines communes ont pris de l’avance, comme Lorient (Morbihan) où cela fonctionne depuis vingt ans, Thann et Cernay (Haut-Rhin) qui se sont lancées en 2010 avec une redevance incitative: la facture dépend de la taille du bac à biodéchets et de la fréquence de la collecte.
D’autres exemples réussis prospèrent: à Locminé (Morbihan), on roule au biodéchets, et à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), on se chauffe avec.
« Pendant dix ans, j’ai été relativement seul, il faut de la volonté », défend Pascal Bioulac, le maire (Horizons) de Lamotte-Beuvron qui a construit un méthaniseur retraitant les boues d’épuration, les biodéchets et les intrants agricoles, dont les tonnes de fumier généré par le parc équestre de la ville.
Il a fallu composer avec les objections de ceux qui lui disaient « attention, ça va exploser, ça pue », relate-t-il à l’AFP, et accepter de passer pour « un ovni » auprès d’autres élus qui se demandaient « pourquoi s’embêter si on n’a pas d’obligation ».
En Europe, « la France ne se classe ni dans les premiers, ni dans les derniers. Il y a des villes qui font du très bon travail », constate Manon Jourdan, de l’ONG Zero Waste Europe, qui milite pour la réduction des déchets et la pollution qu’ils génèrent.
– Pas de recette unique –
Qu’est-ce qui freine alors? « Il y a la question du coût de la collecte et de l’acceptation par la population », analyse Mme Jourdan.
« La question des déchets reste émotionnelle car on doit influencer la façon dont les gens se comportent chez eux, et les élus ont toujours peur que ce soit mal reçu. Donc, on en revient à une volonté politique », dit-elle.
Au total, selon l’Ademe, l’agence de la transition écologique, 83 kilos de biodéchets sont générés par an et par habitant en France, dont 50% pourraient être facilement captés au lieu de finir en décharge ou incinérés.
« Même avec des hypothèses hyper pessimistes, le gisement de biogaz est très important », souligne Roland Marion, de l’Ademe, sans donner de chiffre.
Là où c’est déjà en place, il n’y a pas de recette unique.
Certains communes ont opté pour de la collecte en porte à porte, d’autres pour des points d’apport volontaire. Le bac peut être sécurisé par un badge ou un QR code pour permettre la pesée et éviter qu’un passant y jette n’importe quoi.
Quant aux nuisances, odeurs ou bestioles, mises en avant par les réfractaires, l’Ademe reconnaît qu' »on n’est pas à l’abri des rongeurs mais il y a des solutions ».
On peut mettre des grilles au fond des composteurs, ou veiller à une fréquence suffisante des collectes. A Milan, ville pionnière maintes fois copiée en Europe, le camion passe deux fois par semaine, et presque tous les jours pour les hôtels-restaurants.