Une équipe de chercheurs hongrois s’est intéressée aux capacités de perception de la parole des chiens et à leur représentation cérébrale du langage humain.
Les chiens sont capables de distinguer différentes langues, selon une étude

En examinant, par IRM, le cerveau d’une vingtaine de chiens soumis à diverses expériences auditives, ils ont découvert qu’ils étaient non seulement capables de faire la différence entre la langue humaine naturelle et une langue volontairement brouillée, mais qu’ils distinguaient également la langue utilisée habituellement par leurs maîtres d’une autre langue. En dehors des humains, ce sont les premiers animaux connus à afficher cette capacité.

Les chiens élevés comme animaux de compagnie partagent avec les humains une exposition intense à la parole dans leur environnement. Mais si vous envisagez de séjourner à l’étranger avec votre chien, sachez que ce dernier pourrait se retrouver tout aussi confus que vous pour communiquer avec des personnes s’exprimant dans une autre langue. C’est du moins la conclusion d’une récente étude publiée dans la revue NeuroImage, pour laquelle un petit groupe de chiens a écouté une voix humaine naturelle et une parole « brouillée », dans deux langues différentes (hongrois et espagnol).

Chaque langue est caractérisée par des régularités acoustiques, que les humains apprennent bien avant les règles de sémantique et de syntaxe. Ainsi dès la naissance, les humains sont capables de discriminer la parole de stimuli non vocaux tout aussi complexes, expliquent les chercheurs. Les nourrissons distinguent également leur langue maternelle de langues inconnues appartenant à des classes rythmiques différentes — la discrimination entre deux langues de même classe rythmique, en revanche, semble nécessiter une familiarisation préalable avec l’une des deux. Il ressort de l’étude que les chiens sont dotés des mêmes capacités.

Une activité cérébrale différente selon les langues

Ces recherches ont été inspirées par l’expérience personnelle d’une des membres de l’équipe, Laura Cuaya, du laboratoire de neuro-éthologie de la communication de l’Université Eötvös Loránd de Budapest : elle explique dans un communiqué que lorsqu’elle a déménagé du Mexique en Hongrie pour mener ses recherches postdoctorales, elle s’est demandé si ses deux chiens qui l’accompagnaient, habitués à entendre les humains parler en espagnol, avaient remarqué que les habitants de Budapest s’exprimaient dans une autre langue.

Cuaya et ses collègues ont donc mené une expérience pour tenter de répondre à cette question. L’étude a impliqué 18 chiens de famille adultes (cinq golden retrievers, six border collies, deux bergers australiens, un labradoodle, un cocker et trois chiens de races mixtes). La plupart des chiens (16) étaient issus de familles où l’on parlait hongrois, les deux autres — les chiens de Cuaya — étaient familiarisés avec l’espagnol ; des échantillons de discours hongrois et espagnol ont donc été utilisés comme stimuli auditifs.

Le matériel linguistique consistait en un enregistrement d’un chapitre du Petit Prince lu par deux locuteurs natifs (un pour chaque langue), dotés d’un timbre et de caractéristiques vocales similaires. Le texte, ainsi que les locuteurs étaient inconnus de tous les chiens et le texte a été enregistré avec une intonation vivante et engageante, précisent les auteurs de l’étude. Les stimuli ont été créés en extrayant des phrases complètes de chaque enregistrement, concaténées en fragments de quelques secondes. Les fragments de parole brouillés ont été réalisés à l’aide d’un algorithme chargé d’extraire des tranches de 30 millisecondes du texte lu et de les concaténer dans un ordre aléatoire.

Le but de l’expérience était de vérifier si le cerveau des animaux présentait ou non un schéma d’activité différent pour une langue par rapport à l’autre. Effectivement, les analyses par IRM ont montré que deux régions cérébrales en particulier s’activaient différemment selon que le chien entendait sa langue maternelle ou une langue inconnue. « Cette différence de modèle d’activité entre les deux langues suggère que le cerveau des chiens peut différencier ces deux langues », a déclaré à NPR Attila Andics, qui a dirigé l’étude.

Une aptitude qui se consolide au contact des humains

Le cerveau des chiens peut donc identifier la parole humaine et distinguer les langues sans aucune formation explicite. « Je pense que cela reflète à quel point les chiens sont à l’écoute des humains », confie Cuaya à NBC News. Cette capacité est due à deux régions cérébrales en particulier : le cortex auditif primaire et le cortex auditif secondaire, qui permettent aux chiens de traiter la parole en deux étapes. « Le cortex auditif primaire détecte si un son est de la parole ou non. Ensuite, le cortex auditif secondaire fait la différence entre une langue familière et une langue inconnue », explique Cuaya.

Les chiens sont capables à la fois de distinguer du langage humain naturel d’un autre stimulus auditif, mais aussi de distinguer leur langue familière d’une langue inconnue. Dans chaque cas, leur cerveau affiche un schéma d’activité différent. © L. Cuaya et al.

L’expérience a par ailleurs mis en évidence le fait que les chiens semblent reconnaître la langue maternelle de leurs propriétaires en fonction de sa sonorité globale, car les stimuli auditifs utilisés (composés de passages du Petit Prince) ne contenaient pas vraiment de mots avec lesquels les chiens auraient pu être familiers — typiquement des ordres que tout propriétaire de chien donne à son animal au quotidien. « Nos résultats montrent que les chiens apprennent de leur environnement social, même lorsque nous ne leur enseignons pas directement », souligne Cuaya.

À noter que les chercheurs ont observé une différence plus marquée dans les réponses aux langues familières et inconnues chez les chiens plus âgés, ce qui suggère que la durée d’exposition au langage joue très certainement un rôle dans cette aptitude. Il est également apparu que les chiens au museau allongé distinguaient mieux les langues, mais les chercheurs n’ont pas trouvé d’explication à cela. Interrogée par NBC News sur ce point particulier, la Dr Katherine Houpt, spécialiste en médecine du comportement du Cornell University College of Veterinary Medicine, suggère qu’il peut s’agir d’un « héritage » des chiens de berger, dotés de longs museaux, qui doivent être aptes à comprendre les instructions du berger en toutes circonstances, de surcroît dans des environnements bruyants.

Source: trustmyscience.com

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