La Chine interdit l'importation de déchets sur son territoire
La Chine a annoncé son intention d'interdire l'importation de certains déchets pour lutter contre les transferts illégaux. Les filières de recyclage s'inquiètent pour le débouché des matières premières secondaires européennes.
Le pays hôte des déchets européens dit stop. La Chine vient d'informer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de sa volonté d'interdire l'importation de 24 types de déchets sur son territoire. Sont concernés certaines matières plastiques, les papiers non triés, certains matériaux textiles et les laitiers, scories, croutes d'oxydes et autres déchets provenant de la fabrication du fer ou de l'acier. Selon Le Quotidien du Peuple, le ministère de l'Environnement chinois justifie sa décision pour "protéger les intérêts environnementaux de la Chine et la santé des personnes".
La Chine veut faire le ménage
Cette interdiction pourrait prendre effet d'ici septembre. Elle fait suite à la mise en place par le Gouvernement chinois du programme "National SWORD" il y a quelques mois. Le but de ce programme est de limiter voire d'interdire l'importation de certains déchets sur le territoire national en limitant les licences d'importations des usines chinoises, et en fermant définitivement celles qui ne respectent pas les normes environnementales, les autorisations d'importation ou les conditions techniques.
Lors d'une conférence de presse le 20 juillet dernier, le directeur de la coopération internationale au ministère de l'Environnement chinois, Guo Jing, a expliqué que ce programme vise également les transferts illégaux de déchets. "Motivés par l'appât du gain, certains contrevenants chinois et étrangers exportent illégalement ou font de la contrebande de déchets solides en Chine, et certains cachent les déchets au sein d'autres produits importés dans le pays. Ces déchets ont causé de nombreux problèmes. Nous devons lutter contre cela", a-t-il insisté.
Les stocks augmentent déjà en Europe
La réaction des spécialistes du recyclage ne s'est pas fait attendre. Le directeur général du Bureau International du Recyclage (BIR), Arnaud Brunet, a adressé une lettre officielle à l'Organisation mondiale du commerce par l'intermédiaire de la Commission européenne pour faire part de ses inquiétudes : "Le BIR souligne l'impact grave qu'une telle interdiction aurait sur l'industrie mondiale du recyclage ainsi que sur la production domestique chinoise s'appuyant sur des matériaux recyclés". Il a demandé au gouvernement chinois de reconsidérer ses politiques d'interdiction et propose de "discuter des moyens d'assurer des normes de qualité élevées sans nuire à l'industrie mondiale du recyclage et à l'économie chinoise."
En France, l'inquiétude est de mise chez Federec : "L'interdiction soudaine d'exporter de nombreux produits en Chine engendre dès à présent une augmentation des stocks sur les marchés qui les produisent. L'impact de cette décision est mondial et a des conséquences en Europe et dans tous les pays exportateurs de ces matières", explique la fédération du recyclage dans un communiqué. Les plastiques sont particulièrement touchés puisque huit familles sont concernées, principalement issues des plastiques triés, en mélange, ou "à laver" (note des familles : PE, films plastiques, styréniques, PVC, PET, PET Bouteilles, PC CD/DVD, autres déchets et rebuts plastiques). Neuf millions de tonnes de plastiques sont importés par la Chine tous les ans. "A ce jour, la capacité des autres usines mondiales n'est pas en mesure de consommer ces volumes aujourd'hui importés par la Chine. Cette absence de débouchés oblige notre profession à prendre des mesures drastiques sur les volumes et les qualités aujourd'hui collectés (surtri, lavage, valorisations alternatives) et à chercher en urgence des solutions de substitution afin d'en limiter les productions", alerte Federec. Les centres de tri français n'ont pas les capacités de stockage suffisantes.
Un marché du recyclage enlisé
Le directeur de la coopération internationale au ministère de l'Environnement chinois, Guo Jing, a également justifié son action par une montée de l'opinion chinoise contre l'importation de déchets. Une opinion qui pousse la Chine à se montrer de plus en plus ferme. Car ce n'est pas la première fois qu'elle tente de fermer ses portes à l'importation de déchets en provenance d'Europe et des Etats-Unis. En février 2013, elle lançait déjà l'opération "Green Fence" pour renforcer les contrôles aux frontières et bloquer les lots de matières mal triées ou les déchets non recyclables. Les quantités de matières recyclées importées avaient baissé de 6% en 4 mois pour le papier par exemple. Les prix des matières recyclées sur les marchés internationaux avaient par conséquent fortement baissé, beaucoup de vendeurs ne trouvant plus preneur. La Chine en avait tiré profit indirectement.
Elle réitère aujourd'hui et ses nouvelles annonces font craindre des effets similaires alors que le marché du recyclage reste morose. En novembre 2016, les volumes à recycler ont stagné et les exutoires de matières recyclées se sont restreints. "Nous sommes une mine à ciel ouvert qui produit sans discontinuer. Il faut évacuer les matières de nos sites mais les conditions économiques ne sont pas favorables", expliquait Jean-Philippe Carpentier, président de Federec. Les surcapacités chinoises d'acier "frais", le prix du pétrole, du charbon et du minerai de fer toujours bas, ainsi qu'une offre de bois qui excède la demande, continuent de peser sur l'utilisation de matières recyclées. Les annonces de la Chine ne vont pas arranger la situation.
Un autre facteur entre également en ligne de compte : le recyclage progresse en Chine. L'augmentation des volumes donne davantage le choix aux usines du pays, la sélection s'opère par la qualité. Les contrôles de la qualité des importations vont donc avoir tendance à se durcir plutôt qu'à s'assouplir.
Source : actu-environnement.com