Découvrez notre interview de Diane Drubay, fondatrice de "We Are Museums".
Tired Earth : La courte interview de Diane Drubay, fondatrice de "We Are Museums"

Interview avec Diane Drubay
Cette interview a été réalisée par Selva Ozelli
Photo éditée : ©Tired Earth France

 

Quelle était l'idée/inspiration derrière la création de We Are Museums ?

Et si la communauté des musées se comportait comme une forêt ? Où chaque musée a sa place et sa fonction, son rôle et son identité, son rythme et ses objectifs, tout en étant en symbiose avec son entourage, ses collègues proches et lointains. Et si les musées faisaient partie d'un écosystème régénérateur qui ne se gaspille pas, mais sait se rendre utile et nécessaire, mais sait aussi se retirer et faire de la place aux autres quand c'est nécessaire ? Lorsque j'ai pensé à We Are Museums, j'ai imaginé un groupe de personnes aux profils divers et variés, travaillant ou non pour un musée, se réunissant régulièrement pour échanger et façonner, ensemble, une vision d’un futur où les musées auraient un rôle à jouer dans la transformation des individus, de nos sociétés et de la Planète. J'ai souhaité un lieu de partage et de réflexion en continu sur l'avenir des musées, un espace de pensée critique et de bienveillance.

Aujourd'hui, We Are Museums est une vaste communauté internationale d'acteurs du changement dans les musées. Elle prend de nombreuses formes, mais vise toujours à guider les musées dans le changement afin qu'ils restent pertinents pour les générations futures.

Parlez-nous des initiatives de votre organisation concernant l'implication des musées dans la durabilité, l'éducation au changement climatique, l'action, la recherche et les partenariats ?

2019 a été une année charnière pour We Are Museums. Nous avons réalisé que l'organisation de conférences internationales n'était pas durable. La communauté internationale de professionnels de musées appelaient pour davantage de présence à travers un soutien et des échanges plus fort, plus continu et plus diversifié. Les conférences offraient des moments forts sur le moment mais un soutien faible au quotidien. Les conférences demandaient des efforts très intenses et ciblés pour une période trop courte aux coûts humains, environnementaux et économiques trop élevés. 

Si nous voulons exister à l'avenir, nous devons penser à notre impact sur le long terme, et aux traces que nous laissons. Nous avons donc organisé la dernière conférence We Are Museums à Katowice, 6 mois après la COP21 et avons dédié notre programme de conférence à l'engagement des musées dans l'action climatique et aux efforts locaux et durables. Trois mois après cette conférence, nous avons lancé notre nouveau programme "Museums Facing Extinction" en collaboration avec EIT Climate-KIC. Ce programme pluriannuel a débuté par une cartographie des pratiques et des défis du secteur muséal face à la crise environnementale. Ce premier atelier a donné lieu à la production d'un compte-rendu partagé avec la communauté, mais aussi d’une douzaine de vidéos en ligne reprenant des cas pratiques. Mais au-delà des connaissances rassemblées, cet atelier a surtout nourri la création d’un programme d’accompagnement des musées vers des actions pour le climat et des changements systémiques. 

Une nouvelle collaboration avec EIT Climate-KIC a permis à 16 professionnels de musées en Lituanie de tester le programme (en savoir plus sur ce programme ici). C'est à travers 7 mois d'accompagnement que nous avons soutenu la création de fabuleux projets inspirant de nouvelles pratiques et de nouveaux projets en Lituanie. Parmi eux, nous pouvons citer un groupe facebook réunissant les professionnels des musées en Lituanie prêts à agir pour le climat, la création d'un guide pour la transition écologique des musées lituaniens, une conférence pour partager les bonnes pratiques locales, des interviews de scientifiques racontant la crise climatique à travers les collections des musées des beaux-arts, des ateliers de sensibilisation à l'écoute de la forêt et des projections de films engagés pour le climat. 

Comme pour chaque programme créé par We Are Museums, nous réutilisons également tous nos contenus et les partageons largement. Par exemple, cette deuxième partie de "Museums Facing Extinction" a conduit à la production de notre "Museums on the Climate Journey Handbook" et du "Systems Thinking Handbook", et d'autres sont en cours de production. 

We Are Museums est également un membre actif de Museums For Future, la branche musée de Fridays For Future, ainsi que du Climate Heritage Network, pour n'en citer que deux. 

Quels sont les partenaires de We Are Museums ?  Collaborez-vous avec des musées, l'ONU ?

Afin de toujours être en adéquation avec les besoins de la communauté internationale de professionnels de musées, We Are Museums conduit des programmes de recherches portés sur l’écoute et la mise en pratique de nouveaux modèles. C’est donc en fonction de ces programmes que We Are Museums collabore avec des partenaires très variés. Chaque projet est mené en collaboration avec au moins un partenaire, mais rassemble bien souvent 4 ou 5 organisations. Pour ne citer que les derniers programmes, nous avons eu la chance de collaborer avec le Västernorrlands Museum en Suède, le groupe One by One lié à l’Université de Leicester, ICOM COMCOL, French Immersion, Museum Connections, Fabbula, Pixii Festival, et bien d’autres.

Bien sûr, nous avons des partenaires plus  de longue date avec lesquels nous restons en contact permanent pour échanger et nous soutenir mutuellement au fil des ans. Parmi ces amis, nous pouvons citer Museums For Future, Ki Culture, Les Augures, Vastari, Climate Heritage Network, Europeana, Coalition of Museums for Climate Justice, pour n'en citer que quelques-uns.

Comment les gens peuvent-ils contacter We Are Museums ?  L’organisation dispose-t-elle d'une plateforme numérique ?

Constatant le besoin impérieux de se connecter et de recevoir du soutien au quotidien venant de notre communauté internationale des professionnels de musées, nous avons lancé notre plateforme en ligne en mars 2020. Il est désormais possible pour tous les professionnels, chercheurs ou étudiants qui travaillent pour ou avec les musées de nous rejoindre en ligne à l'adresse https://community.wearemuseums.com/. Nous sommes également très présents sur les réseaux sociaux, assurant une veille quotidienne sur les sujets qui feront les musées de demain.

Que pensez-vous de la numérisation du marché de l'art, de l'adoption par le marché de l'art du paradigme NFT ?

Je vois la blockchain et les NFT comme une fabuleuse opportunité pour les musées d'aborder certains des problèmes systémiques qui les freinent aujourd'hui.

Il a fallu trois ou quatre ans pour que les valeurs de la blockchain correspondent à celles des musées, mais nous y sommes enfin. Aujourd'hui, la blockchain Tezos favorise la durabilité en évitant d'énormes coûts environnementaux et financiers. Nous sommes face à une technologie dont l'empreinte carbone est légère, mais qui reste également accessible à différents publics et géographies, qui met en valeur l'hémisphère sud et qui exige le partage d'outils créés en contenu ouvert.

Grâce à la blockchain, le musée peut décentraliser les projets et les décisions pour faire partie d'un mouvement et ne plus en être le centre. Le mécénat d'art peut devenir pleinement démocratique et les visiteurs peuvent attribuer une valeur à certaines œuvres ou projets, grâce au micro-patronage. La collecte de fonds et le merchandising peuvent être réinventés avec des NFT d'œuvres d'art physiques à exposer dans le Metaverse. L'ubiquité des musées peut enfin être imaginée pour offrir de nouvelles expériences muséales et toucher de nouveaux publics. Ce ne sont que quelques exemples, mais la liste est longue et la plupart des cas d'utilisation restent encore à inventer.

Avez-vous d'autres choses à ajouter concernant vos réflexions sur le rôle des musées et de l'art dans le changement de la société, pour l'avenir de notre planète ?  Et que pensez-vous du fait que les Nations unies aient déclaré 2021 "Année internationale de l'économie créative pour le développement durable" ?

Je pense que les musées doivent agir et être considérés comme des architectes du changement dans le respect des personnes et de la planète. Bien sûr, nous devons reconnaître qu'avant de pousser au changement, le changement doit se faire avec soi-même et c'est le plus grand défi des musées aujourd'hui. 

Il est complexe et difficile de s'adapter à des conditions sociales et environnementales en constante évolution tout en restant pertinent pour les générations futures. Mais nous ne sommes pas seuls et c'est en nous connectant les uns aux autres, en unissant nos forces, en partageant et en nous soutenant que la complexité se transformera en une fabuleuse aventure passionnante. Après tout, ce n'est qu'une question de valeurs. Si nos valeurs visent la circularité et la durabilité, nos institutions le refléteront, étape par étape.

Quel est le rôle d'une campagne comme #MASKUARY dans la sensibilisation du public à la pollution plastique causée par les EPI ?

Comme pour toute situation complexe, les solutions ne sont pas linéaires ou uniques. La sensibilisation à la crise environnementale et les actions en faveur du climat doivent être menées à différents niveaux, par différentes personnes, cultures et perspectives. Si nous sommes tous d'accord pour travailler au respect de la planète, les comportements vont commencer à changer et les systèmes vont évoluer. Une campagne comme #MASKUARY partage un langage, un chapitre de la même histoire mondiale que nous devrions tous commencer à raconter.

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